MAITRISE DE LA GUERRE PSYCHOLOGIQUE
COURS SUR LA GUERRE PSYCHOLOGIQUE
La guerre psychologique est l'utilisation de techniques psychologiques pour amener l'adversaire à penser qu'il est en position de faiblesse ou qu'il a intérêt à se rendre. C'est la guerre par lesidées plutôt que par les armes matérielles.
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Introduction[modifier]
Au plus simple, la guerre psychologique peut
être assimilé à une partie de poker où chaque joueur cherche à se
présenter aux autres comme celui ayant la meilleure main en bluffant.
C’estL'Art de la guerre, suivant Sun Zi, qui consiste à subjuguer (to subdue de
l’ancien français « soduire » lui-même issu du bas latin « subdere »)
l’adversaire sans combattre. C’est une combinaison intime du physique
avec le psychique alliée à la science du savoir et la sagesse de la
morale dans une organisation par disponibilité à l’évènement du principe
« Order from Noise » de Heinz von Foerster diversement utilisé par Henri Atlan, Edgar Morin et les autres.
Dans l’éco-politique de la théorie des contextes chez Anthony Wilden la
guerre psychologique est un enveloppement stratégique d’attaque au
niveau supérieur de la commande politique. Le niveau politique est celui
du choix et de l’attribution des ressources entre la paix ou la guerre.
Il oriente et délimite les stratégies militaires et diplomatiques
possibles. Le niveau stratégique choisit, oriente et délimite les
batailles possibles dans lesquelles se trouvent les combats tactiques
orientés et délimités par la stratégie de la Bataille. Sans cette
orientation et délimitation, le Maréchal Erwin Rommel volait de victoire tactique en victoire tactique vers la défaite finale de la Bataille d'Afrique du Nord.
La
guerre psychologique est caractérisée, dans sa pratique, par l’effet de
surprise psychique et l’effet de choc physique, effets répercutés et
amplifiés par la propagande. La stratégie militaire de la Bataille de Điện Biên Phủ a amené le gouvernement français à négocier les accords de Genève.
Cette stratégie militaire soutenue par la stratégie diplomatique,
environ un mois après la chute de la garnison dans l’organisation par
disponibilité à l’évènement, dans l’enchevêtrement de Devoir Pouvoir,
Savoir et Vouloir. De la même façon, l’offensive du Tết a conduit le gouvernement des États-Unis aux Accords de paix de Paris.
Toute
guerre est psychologique, faite par des êtres humains dotés d'une
combinaison du physique avec le psychique dans les règles de jeu d'un
état de droit. La guerre est un état de droit où prime la force du droit
sur le droit de la force d'une « mêlée générale » de l'Antiquité et du Moyen Âge qui avait des traditions.
Guerre révolutionnaire, guérilla et guerre psychologique[modifier]
Primitivement, la guerre psychologique s’entend souvent par propagande en
vue de démoraliser l’adversaire et soutenir le moral de ses propres
troupes et de sa population sous formes de tracts et d’affiches. La propagande s’oriente en trois directions :
1 – la dissuasion ou promesse du pire pour casser toute volonté de résistance ou d’agression, comme la marche du Général Sherman à travers la Géorgie en détruisant tout sur son passage durant la guerre de Sécession et comme les Mongols de Gengis Khan précédés
de leur réputation de férocité à chaque fois qu’ils se présentent
devant une cité qui se rend pour éviter la destruction et encore comme
la stratégie de la destruction mutuelle assurée qui a fait l’économie d’une Troisième Guerre mondiale nucléaire.
2 – la persuasion ou promesse du mieux suivant la prescription de Sun Tzu de laisser s’enfuir l’adversaire pour éviter le combat.
3 – la séduction ou promesse du meilleur pour s’implanter de façon durable, comme Alexandre de Macédoine qui a essaimé des colonies hellénistiques sur les territoires conquis.
Mais, pour le Général Võ Nguyên Giáp, une guerre est à la fois diplomatique, militaire, politique et psychologique. La bataille de Điện Biên Phủ dont
il a été le maître d’œuvre en est l’exemple illustratif. Cette bataille
fut militaire sur le théâtre des opérations, diplomatique en tant
qu’argument pour les négociations des Accords de Genève de juin 1954 négociés par Phạm Văn Đồng,
après la capitulation inconditionnelle de la garnison en mai de 1954 et
politique pour la consécration et la consolidation de l’indépendance
du Viêt Nam déclarée
le 2 septembre 1945. Elle fut psychologique par le renversement des
perceptions de la situation, de glorification en misérabilisme auprès du
CEFEO (Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient).
L’offensive du Tết en
février de 1968 a été une défaite militaire pour ce qui est du terrain
pris et gardé, mais elle a été une victoire psychologique en amplifiant
l’opposition aux États-Unis à laguerre du Viêt Nam et une victoire diplomatique en conduisant les États-Unis à négocier les accords de paix de Paris qui aboutissaient au retrait total des troupes terrestres en 1973, laissant le champ libre à l’offensive finale de la chute de Saigon en avril 1975.
Pour Sun Tzu,
la guerre est l’art de la tromperie et la dimension psychologique est
une partie intégrante, voire fondamentale, dans la conduite d’une
guerre.
Pour Clausewiz, la guerre est l’utilisation illimitée de la force brute et la dimension psychologique n’est qu’accessoire dans la propagande.
À
la suite des guerres de décolonisations, la notion de guerre
psychologique a pris de l’ampleur avec la conquête du cœur et de
l’esprit par rapport à la conquête du terrain.
Pour
Richard Taber, la guerre révolutionnaire par des tactiques de guérilla a
pour but le remplacement d’un ordre établi par un ordre nouveau, ce qui
privilégie la conquête du cœur et de l’esprit orientant et délimitant
les opérations militaires possibles.
Physique, psychique, éthique et logique de la puissance[modifier]
Comprendre
la guerre, c’est avant tout comprendre ceux qui la font. Pourquoi les
hommes arrivent-ils à se battre ? Comment s’exercent la violence, la
coercition et la contrainte ? Quels sont les véritables rapports de
force dans les conflits contemporains ?
Voilà
les questions auxquelles le modèle développé au fil de cet article
tente de répondre. Les déconvenues des armées dans les conflits de basse
intensité ou guérilla ont pour cause principale leur incapacité à
cerner les conditions de leur engagement, et notamment à s’écarter des
schémas hérités de la guerre totale de Clausewitz.
La tendance des militaires à privilégier les facteurs matériels au
détriment des facteurs immatériels, encore renforcée par la mécanisation
et l’informatisation, réduit leur aptitude à maîtriser la violence par
l’exercice d’une coercition mesurée.
À l’inverse, le terrorisme contemporain
exploite la couverture médiatique en continu pour obtenir des effets
psychologiques totalement disproportionnés, alors que les organisations
non gouvernementales utilisent leur posture éthique pour mieux influer
sur les opérations militaires et les armes qu’elles emploient.
De
toute évidence, les rapports de force ne peuvent plus être réduits à la
taille ou le nombre de la réalité physique matérielle.
Une
conception détaillée des sources et résultats des effets matériels,
émotionnels, moraux et cognitifs permet de surmonter la subjectivité des
perceptions et de cerner la gamme des actions possibles.
L’évolution
de la situation internationale souligne l’urgence que revêt aujourd’hui
un tel changement de perspective. Comment expliquer que la guérilla irakienne n’ait
pas réussi à retourner l’opinion publique américaine malgré la mort au
combat de plus de 4 000 soldats, alors qu’il a suffi 10 ans plus tôt de
18 morts pour précipiter le retrait de Somalie ?
Pourquoi les Palestiniens n’ont-ils pas réussi à diviser la société
israélienne depuis septembre 2000, au contraire de la première Intifada ?
Pour quelles raisons les attentats du 11 septembre ont-ils uni la
population américaine autour de leur gouvernement, alors que ceux du 11
mars n’ont pas eu le même effet en Espagne ?
Toutes
ces questions mettent en jeu des forces et des règles qui sont celles
de l’homme dans son activité belligérante, réelle ou potentielle. C’est
donc celle-ci qu’il s’agit d’étudier. L’anthropologue Margaret Mead s’est
aventurée à étudier le caractère national. Pour elle et avec la culture
des fermiers et des pionniers, à chaque attaque reçue, l’Américain
répond avec rage et par l’union sacrée. Du jour au lendemain, l’attaque
aéronavale japonaise sur Pearl Harbor a transformé l’isolationnisme en interventionnisme et les industries en arsenal de la démocratie.
Pouvoir, vouloir, devoir et savoir[modifier]
Prenons l’histoire militaire vietnamienne récente du xxe siècle, de la décolonisation française (1945-1955) à la réunification (1955-1975), du bombardement de Haiphong en 1946 au sabotage desAccords de Genève rendant
impossible la réunification des parties séparées temporairement pour la
technicité des regroupements militaires avant l’évacuation du CEFEO
jusqu’à la chute de Saigon en 1975.
En 1945, la toute jeune République démocratique du Viêt Nam formée
par des paysans attachés à leur indépendance après environ 80 ans de
colonisation française et revendiquant leur liberté et leur identité
nationales voyait son existence menacée par la reconquête coloniale
après 5 ans de « solitude indochinoise » où la puissance protectrice
française n’a pas pu protéger l’Indochine française de l’occupation japonaise.
Parti d’une opération de police avec des troupes de l'empire colonial français et la légion étrangère équipées à l’anglaise au début de 45-49 et à l’américaine dans la phase finale de 49-54, le CEFEO (Corps Expéditionnaire Français en Extrême-Orient) est tombé dans le bourbier de l’enlisement jusqu’à la bataille de Điện Biên Phủ qui a été à la décolonisation ce que furent la prise de la Bastille et les soldats de l’an II à l’Europe libérale.
Cette première grande victoire en Asie des
paysans contre des militaires professionnels en armes va cependant
au-delà de l’affrontement factuel, et pose plusieurs questions
d’importance. Pourquoi les Vietnamiens de l'Armée populaire vietnamienne (APVN) étaient-ils prêts à se battre contre la France et sa troupe, qui formait une armée moderne avec tout son armement ?
Essentiellement pour défendre leur société rurale et leur conception de la liberté contre l’impérialisme de la France, mais également parce qu’ils avaient le goût du combat et que se battre était le devoir de chaque homme valide.
À
l’inverse, les soldats du corps expéditionnaire français étaient mus
par l’intérêt d’une solde, aussi maigre soit-elle à la sortie des
privations de l’occupation nazie, par l’aventure pour certains et par le
patriotisme de la défense et conservation de la puissance française
pour d’autres, principalement pour ses dirigeants. Les enjeux étaient
donc différents.
Henry Kissinger a déclaré que la victoire d’un peuple de paysans sur les États-Unis était une catastrophe.
Cet exemple résumé reprend la distinction établie par Carl von Clausewitz entre
les fins, les moyens et les voies, qui facilite l’appréhension de
chaque belligérant. Les enjeux de la guerre expliquent ainsi son
caractère déterminé des uns et hésitant des autres : les Vietnamiens
sont allés jusqu’au bout des difficultés parce que la survie de la toute
jeune République démocratique du Viêt Nam exigeait la défaite d’une configuration coloniale majoritairement antagoniste.
De
même, leurs ressources limitées expliquent la méthode choisie : la
connaissance du terrain et des intentions ennemies ainsi que la volonté
de combattre à mort, c’est-à-dire la supériorité cognitive et
psychologique, ont permis aux Vietnamiens de contrebalancer leur
infériorité physique – obligés qu’ils étaient de se battre avec des
armes de fortune– par une guerre longue et ruineuse pour une puissance
industrielle dans le combat du tigre et de l’éléphant où le tigre peut
épuiser l’éléphant à longueur de temps qui démoralise les Français et
amplifie le sentiment national des Vietnamiens.
« L'esprit
de l'homme est plus fort que ses propres machines... Ce sera une guerre
entre un tigre et un éléphant. Si jamais le tigre s'arrête, l'éléphant
le transpercera de ses puissantes défenses. Seulement le tigre ne
s'arrêtera pas. Il se tapit dans la jungle pendant le jour pour ne
sortir que la nuit. Il s'élancera sur l'éléphant et lui arrachera le dos
par grands lambeaux puis il disparaîtra à nouveau dans la jungle
obscure. Et lentement l'éléphant mourra d'épuisement et d'hémorragie.
Voilà ce que sera la guerre d'Indochine. » Ho Chi Minh
Voilà,
illustrée en quelques mots, l’articulation fondamentale qui forme le
cœur de cette approche : la matière, la psyché, la morale et le savoir
forment la quadrature de la puissance, les quatre domaines dans lesquels
s’inscrivent les guerres humaines. Chaque acteur d’un conflit est ainsi
caractérisé par des enjeux, des ressources et des méthodes dont la
nature est physique, psychologique, éthique et/ou cognitive. Montrer
pourquoi et comment les hommes se battent revient à se plonger dans les
profondeurs de leur être, à tenter de systématiser les moyens, les
pulsions, les impératifs et les concepts qui façonnent leur puissance et
qu’ils emploient pour l’exprimer. Le modèle qui en résulte doit dès
lors s’appliquer à toutes les formes d’affrontements et à tous les types
d’acteurs, sans distinction de lieux et d’époques.
Un exemple d’opération tactique combinée militaire et psychologique est dans l’offensive vietnamienne au Cambodge pendant la Troisième Guerre d’Indochine qui
a été aussi une campagne psychologique en même temps qu’une campagne
militaire. Les troupes vietnamiennes de première ligne distribuaient des
marmites et des ustensiles de cuisine à la population, leur signifiant
la fin des cuisines communautaires qu’elle détestait particulièrement.
Le régime de Pol Pot avait imposé avec une brutalité insensée cette
forme de “communautarisme” maoïste des “Communes Populaires” pour briser
l’unité familiale traditionnelle.
Les enchevêtrements de la puissance[modifier]
Par
matière, il faut entendre la dimension physique du réel, le domaine
matériel où se manifestent les éléments tangibles et visibles des
belligérants : les êtres vivants, les armes, les équipements, les
vivres, et bien entendu les valeurs marchandes pouvant assurer leur
disponibilité.
Les
facteurs physiques déterminent la capacité d’agir, c’est-à-dire la
possibilité matérielle de déployer des moyens et de les utiliser, ainsi
que les limites qui l’entravent. La facilité de leur numérisation et de
leur intégration spatio-temporelle a jusqu’ici conféré aux facteurs
physiques la prédominance dans l’étude des conflits, de même qu’une
place centrale – et parfois exclusive – dans les doctrines militaires.
Ils ne recouvrent néanmoins qu’une partie de la puissance, et il est ainsi impossible d’expliquer le déroulement de la bataille de Điện Biên Phủ en prenant uniquement en compte le nombre d’hommes ou les armes employées.
De
fait, l’histoire rapporte maints exemples de forces ou de nations
matériellement supérieures et néanmoins défaites, à commencer par le
récit biblique de David contre Goliath, et ceci s’explique principalement par deux raisons :
- Le nombre et la force brute ne fournissent qu’une puissance potentielle, et non une puissance réelle dans l’espace et dans le temps ; c’est une faiblesse des grandes organisations qui est exploitée dans les opérations spéciales, où des petits contingents hautement entraînés et préparés obtiennent une supériorité relative assurant la réussite de leur mission. Les « Kommandos » légers de paysans afrikaners de la Seconde Guerre des Boers a été un exemple illustratif repris par Winston Churchill pour former les commandos britanniques.
- La puissance n’est tout simplement pas qu’une affaire de force physique ou mécanique, et celle-ci peut même générer une faiblesse susceptible d’être exploitée ; les facteurs autres que la matière doivent également être pris en compte.
Par
psyché, il faut entendre la dimension psychologique des acteurs,
l’ensemble des activités mentales conscientes ou inconscientes qui
fondent leurs émotions : les pulsions, les désirs, les affects, les
sensations et les sentiments, avec en filigrane toute la palette des
relations humaines.
Les
facteurs psychologiques déterminent la volonté d’agir, c’est-à-dire la
possibilité émotionnelle de faire usage de ses capacités, ainsi que les
inhibitions qui s’y opposent. Le courage, la confiance et la
camaraderie, mais aussi la haine et le mépris sont des ressources
périssables et limitées qui ont une influence déterminante sur la
puissance effective des hommes et des armes.
À la bataille de Điện Biên Phủ,
l’assaut farouche des Vietnamiens devait beaucoup à une volonté
patiemment cultivée par l’exercice des armes et multipliée par l’amour
de la patrie. L’importance considérable des facteurs psychologiques dans
tous les conflits depuis l’Antiquité n’a
pas empêché le retard de leur intégration dans les rapports de forces,
en dépit de quelques doctrines visant à les idéaliser pour mieux
compenser l’infériorité matérielle.
Pourtant,
l’expérience quotidienne montre que les traits de caractère déterminent
largement la combativité, l’amour-propre et l’altruisme des hommes,
alors que l’entraînement des formations contribue directement à
développer leur esprit de corps et ainsi raffermir leur cohésion. Dans
la mesure où les unités ont une puissance supérieure à la simple
addition des soldats qui les composent, la psyché forge le lien qui unit
ceux-ci : la disposition à privilégier le collectif à l’individuel, et
donc à risquer sa vie pour autrui.
Par
morale, il faut entendre la dimension éthique des acteurs, la somme des
impératifs qui forment leur jugement à propos d’actes réels ou
potentiels : les lois, les règles, les préceptes, la religion, les
valeurs, les coutumes et les missions, et donc l’héritage pratique de la
culture. Les facteurs éthiques déterminent la légitimité à agir,
c’est-à-dire la possibilité morale – ou la nécessité – d’exercer sa
volonté, ainsi que les interdits qui l’enserrent. Leur existence a
durablement façonné les conflits par des principes et des codes, tacites
ou non, liant l’honneur des combattants à leur comportement et formant
la base de la culture militaire et du droit international. La morale
avait également cours à la bataille de Điện Biên Phủ : les Vietnamiens ont fait prisonnier toute la garnison et ainsi respecté la règle de Sun Tzu de prendre intact plutôt que de détruire.
Il
faudra cependant attendre la généralisation de la couverture télévisée,
et donc l’irruption des combats dans le salon des citoyens, pour que la
morale devienne un levier à part entière, en couvrant d’opprobre les
hommes qui ont violé les valeurs de leur société, en imposant des
limites toujours plus strictes à l’emploi des armes, ou au contraire en
incitant à leur usage pour répondre à une urgence.
Par
savoir, enfin, il faut entendre la dimension cognitive des acteurs,
l’ensemble des connaissances acquises par l’étude, l’observation,
l’apprentissage et l’expérience : les idées, les concepts, les
doctrines, les certitudes, les explications et les interprétations
extraites de la masse des informations disponibles.
Les
facteurs cognitifs déterminent l’occasion d’agir, c’est-à-dire la
possibilité de déclencher une action opportune dans le temps, dans
l’espace et dans sa modalité. Leur mise en pratique ne date pas d’hier :
le réseau d’espionnage et les complicités des vietnamiens ont ainsi
constitué l’élément déterminant de la surprise des combats périphériques
en concentrations et dispersions.
Pourtant,
le rôle de la connaissance est aujourd’hui encore sous-estimé,
précisément parce que le concept occidental du combat est lié à l’idée
d’un choc frontal, délibéré et décisif. Si les services de
renseignements sont largement considérés comme la première ligne de
défense d’un État, l’éducation peine encore à être reconnue comme la
base de sa puissance.
Le
processus de décision de chaque organisation dépend en premier lieu de
sa faculté à exploiter rationnellement la masse d’informations
disponibles et à en tirer un savoir libéré de la passion ou de
l’idéologie ; ne pas le faire revient à s’abandonner aux influences
cognitives d’autrui, à accepter sans même en prendre conscience des
concepts et des idées potentiellement nuisibles.
À
l’inverse, la recherche et la diffusion du savoir permettent de
convaincre sans effort, voire de vaincre sans combattre, suivant le
slogan de Sun Tzu pour l’excellence dans l’art de la guerre.
Pouvoir,
vouloir, devoir et savoir : voilà donc les quatre verbes qui fondent
l’action. Il va de soi que cette articulation s’appuie sur une
simplification considérable de questions très complexes, et que chaque
dimension d’un acteur ne peut pas être davantage dissociée des autres
que le corps de l’esprit. Ce découpage possède néanmoins l’immense
avantage de cerner la nature des conflits : un affrontement basé sur la
force, la volonté, la morale et la connaissance. Délimiter les
possibilités d’action d’une entité donnée revient ainsi à prendre en
compte à la fois ses capacités et ses lacunes, sa volonté et ses
inhibitions, sa morale et ses interdits, ses connaissances et son
ignorance. Aucune appréciation réaliste d’une situation donnée ne peut
omettre ces quatre dimensions propres à l’être humain.
Cette
articulation contribue en outre à clarifier l’importance de ces
dimensions pour l’action. Alors que les armées privilégient souvent les
facteurs physiques, afin que l’intégration des hommes et des machines
développe une puissance de destruction ou de protection maximale,
ceux-ci ne font pourtant que concrétiser un processus complet. Ainsi,
l’efficacité de l’action dépend en premier lieu de la compréhension
qu’apporte la connaissance, puis de la légitimation que fournit la
morale ; l’action elle-même fait ensuite l’objet d’une décision reposant
sur la volonté, avant que son exécution ne dépende des capacités. En
d’autres termes, le développement et la transmission de la connaissance
doit obligatoirement constituer la priorité de chaque organisation
armée.
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